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mardi 2 mars 2010

Le prix des labels alimentaires

Mars est le mois de la nutrition, moment tout désigné pour se questionner sur le rôle des labels alimentaires et leurs impacts sur les choix des consommateurs.

Au Canada, où plus de huit millions d’habitants ont un excès de graisse, le coût annuel des traitements contre l’obésité, qualifiée d’épidémie en Amérique du Nord, s’élève à 1,8 milliard de dollars, dont 850 millions au Québec. Pendant ce temps, les allergies alimentaires sont en croissance constante et bien d’autres maux sont maintenant devenus ou en voie de devenir des problèmes de santé publique. Des liens causals ont été établis et démontrés entre bons nombres de problèmes de santé et les habitudes de vie et l’alimentation. Pendant ce temps, les entreprises du secteur alimentaire tentent de rassurer l’acheteur dans ses choix de consommation et de plus en plus de labels privés ou indépendants apparaissent.

Les consommateurs valorisent les produits alimentaires sains et naturels, mais on assiste à une véritable perte des repères alimentaires et le consommateur apparaît complètement submergé d'informations. Les sites santé fleurissent, l'automédication progresse à grands pas, les emballages se couvrent de mentions, de claims santé de plus en plus sophistiqués : produits anti-cholestérol, enrichis en oméga 3, 6, 9, avec des promesses plus ou moins faciles à comprendre, et plus ou moins avérées. Pour les plus avertis, la surexploitation des bénéfices santé sème la confusion, le doute et génère de la méfiance. Pour d’autres, les impacts sont encore plus pervers : ils ont la certitude de faire des choix sains pour leur santé alors qu’il en est tout autrement dans les faits.

Considérant que plusieurs multinationales de l’alimentation tendent à se mondialiser, les aliments peuvent voyager sur une plus longue distance et pour augmenter leur durée de vie, les entreprises ont recours à des additifs et des conservateurs afin d’éviter les pertes et de jouir d’une plus grande flexibilité quant au transport et aux conditions de conservations des aliments. Pour remplir leur promesse et relever le défi de la mondialisation, les compagnies doivent innover dans les processus de recherche, de fabrication et de commercialisation des produits alimentaires. Cela implique des investissements importants et l’acceptation d’un principe simple : accepter de réduire la marge de profit au bénéfice d’un produit de qualité et sain pour les consommateurs. Malheureusement pour ces derniers, il est moins coûteux pour l’entreprise de faire croire que le produit est sain, que de vendre un produit réellement sain. Alors que les produits alimentaires transformés finissent pas se ressembler, les compagnies tentent de se différencier par l’image de marque, l’emballage, bref, tout le mix marketing.

En effet, ce genre d’investissements a un effet sur différents indicateurs financiers (ROE, AT, ROA), dont dépend l’évaluation de rendement des gestionnaires, alors que la responsabilité sociale de l’entreprise tient sa logique justement du fait qu’il doit y avoir un arbitrage juste entre l’intérêt privé et le bien commun. Telle est la cruelle contradiction qui freine le développement durable de nos industries.

Selon les spécialistes en marketing alimentaire, le contenu des étiquettes alimentaires est important puisque les décisions d’achats reposent entre autres sur la qualité des ingrédients et sur la qualité nutritionnelle. L’industrie est donc d’accord pour dire que leur politique d’affichage et de label a un impact important sur la décision d’achat et, par conséquent, ils ont le choix de bien ou mal renseigner les consommateurs sur les choix qu’ils font pour leur santé. La latitude dont jouissent les entreprises vient, en partie du fait que le cadre légal et réglementaire pourrait être davantage contraignant, car dans l’industrie alimentaire comme ailleurs, il ne faut pas attendre des entreprises qu’elles se contraignent elles-mêmes, dans un contexte où les rendements financiers sont si importants et sont souvent le meilleur indicateur de la performance, donc principal facteur de valorisation et de récompenses pour les cadres et les dirigeants.

Pour sa part, Santé Canada mène actuellement des consultations sur un nouveau cadre de gestion des allégations santé liées aux aliments afin de mieux aider les consommateurs à faire des choix éclairés. Comme quoi, l’État est conscient d’avoir un rôle à jouer dans ce domaine. Mais pourquoi a-t-il tant tardé à le faire ? Heureusement, un premier pas dans la bonne direction a été franchi. Après tout, les coûts du système de santé canadien font partie des ressources partagées et de l’intérêt collectif de préserver la santé et d’investir les fonds publics aux bons endroits.

En conclusion, la surexploitation des bénéfices santé sème la confusion, le doute et génère de la méfiance, pour les plus avertis du moins. Certaines études révèlent un besoin crucial de clarté au niveau de l'étiquetage des emballages : le consommateur demande moins d'informations, mais des informations plus claires. Pédagogie et transparence sont désormais incontournables. La traçabilité et la sécurité alimentaire ne sont plus négociables et les consommateurs ont aujourd'hui une exigence absolue de savoir ce qu'il y a dans l'aliment, d'où il vient, et ils demandent à être rassurés par des marqueurs de confiance comme des labels, des cautions scientifiques, des résultats prouvés et mesurables. Encore faut-il que ces outils d’information soient utilisés à bon escient et réglementés de façon à ce que les consommateurs aient l’heure juste et fassent des choix éclairés, basés sur des informations crédibles et légitimes et non pas sur un faux sentiment de sécurité. La façon de faire de l’industrie alimentaire n’est actuellement pas très socialement responsable et est en train de complètement miner leur crédibilité et la légitimité de leur label. Les abus des uns nuisent à la réputation de ceux qui ont de bonnes pratiques et le consommateur ne s’y retrouve plus. De nouvelles difficultés devront être surmontées pour préserver la croissance du marché des aliments santé à l'avenir, tel que le resserrement de la législation et les pressions croissantes de la société civile. Les industriels vont devoir infléchir leurs stratégies en intégrant les nouveaux paradoxes des consommateurs s'ils ne veulent pas tuer la poule aux œufs d'or !

4 commentaires:

serge a dit…

A quand l'obligation d'indiquer si le produit contient des OGM? Ça presse en titi...

Pis c'est quoi l'idée de marquer 0% gras trans quand les ingrédients contiennent des huiles hydrogénés...

La transparence...ça presse...

Mylène Perrier a dit…

Tout à fait! Savoir ce qu'on mange est un droit trop souvent baffoué. En attendant une meilleure législation, le consommateur a toujours le pouvoir de se renseigner avant de faire ses choix de consommation. C'est encore le meilleur moyen de pression sur les entreprises.

J-S a dit…

J'aime bien ton article, mais j'ai un commentaire. Corrige moi si je me trompe mais la conclusion c'est que l'industrie agro-alimentaire va toujours jouer du coude pour réduire la qualité et augmenter les profits. Tu sembles espérer que le gouvernement légifère, mais on sait que le lobby de l'industrie agro-alimentaire est très puissant et influence lourdement la législation. Je ne vois pas tellement comment on peut se fier à ça. Typiquement, les lois contiennent des clauses qui permettent de contourner l'esprit de la loi, donnant ainsi seulement l'apparence de régler le problème initiale. C'est pourquoi tout le monde est confu présentement. Comme le premier commentaire le dit, 0% gras trans alors qu'en réalité il y en a. Les définitions dans la loi permettent de dire ça quand même (genre si c'est moins que 99% pure, on peut utilisé un synonime dans la liste d'ingrédient).

Présentement, il n'y a pas vraiment de différence entre le gouvernement et l'industrie. D'une part, les conseillés et lobbyistes sont des acteurs de l'industire, et les membres du conseils pour Santé Canada également. Santé Canada est en conflit d'intérêt constant. Ils parlent de "clients" et ce n'est pas les citoyens canadiens, mais bien les compagnies qui payent pour faire approuver leurs produits. Il faudrait abolir le "user fee" et s'assurer que les membres des conseils sont impartials si on veut que ce conflit cesse (chose très difficile à accomplir dans le contexte actuel).

D'autre part, d'une certaine manière, la législation sur les aliments (en général, pas celle sur les labels) peut être négative parce qu'elle nous interdit certains aliments santés, comme le lait cru et certains produit peu raffiné (comme le stévia, qui n'est toujours pas approuvé comme ingrédient alimentaire), sans parler des cerises! (aux US, la FDA a interdit la vente de cerises parce que le vendeur disait que c'était bon pour la santé).

Il y a aussi la loi C-51, j'ignore ce qui arrive avec ça, mais ça donne froid dans le dos. J'avais écris un petit post la dessus: http://djihess.blogspot.com/2008/07/projet-de-loi-c-51.html.

Bref, personnellement, je ne prends pas de chance et je ne consomme pas (ou le moins possible) de produits raffinés ou transformés. Il faut revenir à la cuisine, apprendre à cuisiner soi-même, montrer à nos enfants à cuisiner, etc. Je prône pour la préviention et l'éducation des consommateurs directement. Pas tellement le choix. L'industrie ne fera jamais d'effort en se sens (ce serait totallement illogique), et le "gouvernement" n'a tout simplement pas le pouvoir de forcer l'industrie à être honnête (et commettre un suicide!?). Je ne vois que les mouvements citoyens pour venir régler ça. Comme tu dis en fait, il n'y a que les consommateurs qui peuvent faire pression en n'achetant pas les produits rafinés et transformés (qui sont TOUS mauvais pour la santé anyway, si la liste d'ingrédient à plus que 3 ou 4 ingrédients que l'on ne peut pas déchiffrer sans faire une recherche sur google, n'acheter pas ça). À part Dr. Bélivaux, il n'y a pas grand monde qui fait une promotion sérieuse des légumes...

Mylène Perrier a dit…

Il est vrai que le citoyen averti doit se responsabiliser, la prévention et l'éducation, ça commence dans les familles, dans la transmission de valeurs et dans les habitudes de vie et de consommations.

Pour ce qui est de la législation, le cadre légal n'est effectivement pas toujours idéal et laisse des portes au lobbying. Toutefois, je crois qu'un encadrement des labels alimentaires vaut mieux que pas d'encadrement du tout. C'est un premier pas.

Pour ce qui est de ma conclusion, elle ne se situe pas tellement au niveau de la législation en elle-même, même s'il s'agirait d'un incitatif intéressant. Lorsque je dis que l'industrie est en train de tuer la poule aux oeufs d'or, c'est là ma véritable conclusion. Les entreprises qui remplissent leurs promesses et leurs allégations, car il y en a, devraient mettre de la pression sur ceux qui abusent de la confiance des consommateurs car leurs pratiques pénalisent toute l'industrie en minant la crédibilité de l'ensemble des labels. Un mauvais vendeur de "chars" nuit à la réputation de tous les vendeurs de "chars". En ce sens, les entreprises qui ont de bonnes pratiques pourraient très bien faire pression pour conserver leurs acquis et assurer une compétitivité honnête dans l'industrie.

En soit, les labels alimentaires utilisés avec honnêteté et transparence sont une opportunité d'affaires pour les entreprises qui souhaitent se positionner sur un marché prêt à consommer des produits sains.

La conclusion se situe doncau niveau de la rentabilité du marketing durable. Qui dit durable dit relation de confiance, fidélité, transparence et gagnant-gagnant. Il est temps que les entreprises comprennent que ça aussi c'est payant!